le 25 avril 2013
41.4.51
Contexte
Le fonctionnaire s'estimant lésé, a été avisé à l'automne 2009 qu'il serait muté le 22 mars 2010 d'une ville à une autre. Le 29 avril 2010, le fournisseur de services de réinstallation (Brookfield) a envoyé au fonctionnaire s'estimant lésé une demande de remboursement des dépenses de réinstallation que celui ci devait signer et retourner. Cette demande portait sur l'indemnité pour l'occupation temporaire de deux résidences (IOTDR) prévue à l'article 8.13.2(b) de la Directive sur la réinstallation du CNM. Le fonctionnaire s'estimant lésé a renvoyé à Brookfield le formulaire signé, comme demandé.
Le 9 mars 2012, Brookfield a informé le fonctionnaire s'estimant lésé qu'un examen de son dossier avait révélé qu'il y avait eu une erreur lors du calcul de son IOTDR. Brookfield a expliqué à l'employé qu'il avait reçu 100 % du taux du souper pour la période visée, plutôt que 65 %, tel qu'il est prescrit par la Directive. Le fournisseur lui a également dit qu'il devait donc rembourser le trop payé.
Exposé de l'agent négociateur
Le représentant de l'agent négociateur a expliqué qu'il y avait un besoin opérationnel dans la ville A et que le fonctionnaire s'estimant lésé s'était porté volontaire pour y être muté. Pendant le processus de réinstallation, les communications écrites envoyées par Brookfield au fonctionnaire s'estimant lésé, un francophone unilingue, étaient rédigées en anglais; le fonctionnaire s'estimant lésé a dû déchiffrer ces communications. En outre, les explications de Brookfield concernant le processus de réinstallation étaient de nature générale et ne donnaient pas de détail sur les avantages auxquels il avait droit en vertu de la Directive, dont les indemnités de repas.
Le représentant de l'agent négociateur a affirmé que puisque Brookfield était le fournisseur retenu pour aider le fonctionnaire s'estimant lésé durant le processus de réinstallation, celui-ci s'était fié à l'expertise du fournisseur pour le calcul des indemnités auxquelles il avait droit. Par conséquent, lorsqu'il a examiné les documents concernant la réinstallation, il n'a pas remis en question leurs calculs, mais s'est plutôt concentré sur les dispositions qu'il pouvait identifier comme étant correctes ou pas. Le représentant de l'agent négociateur a fait remarquer que le fonctionnaire s'estimant lésé avait agi de bonne foi tout au long du processus de réinstallation et qu'il avait corrigé les erreurs relevées. Par exemple, un représentant de Brookfield lui a remis, pour signature, une demande de remboursement portant sur diverses dépenses et indemnités découlant de la réinstallation. Lorsque le fonctionnaire s'estimant lésé a remarqué que la demande prévoyait des dépenses pour deux enfants, il a communiqué avec le représentant pour lui expliquer qu'un seul enfant déménagerait avec lui et que la demande devrait être ajustée en conséquence. Le représentant de l'agent négociateur a fait valoir que ce type de geste est une preuve de l'intégrité et de la bonne foi du fonctionnaire s'estimant lésé.
Le représentant de l'agent négociateur a précisé que la réinstallation du fonctionnaire s'estimant lésé s'était achevée en juin 2010 et qu'il avait reçu en septembre 2010 la dernière partie de son remboursement. Selon le fonctionnaire s'estimant lésé, cette dernière date est donc celle à laquelle son processus de réinstallation s'est réellement achevé. À l'article 2.13.1 de la Directive, il est clairement indiqué que le remboursement des dépenses de réinstallation doit être fait moins d'un an après la date d'inscription auprès de Brookfield. Selon le représentant de l'agent négociateur, ce délai devrait s'appliquer aussi bien à l'employeur qu'à l'employé. L'employeur ne devrait donc pas avoir le droit de demander le remboursement d'un trop payé deux ans après la fin de la réinstallation du fonctionnaire s'estimant lésé. En outre, l'employeur a reconnu, dans sa réponse au deuxième palier de la procédure de règlement de griefs, que Brookfield avait commis une erreur administrative. Le représentant a avancé que le fonctionnaire s'estimant lésé ne devrait pas être tenu responsable des erreurs commises par une tierce partie.
Le représentant de l'agent négociateur a précisé que la somme demandée par l'employeur n'était pas sans importance pour le fonctionnaire s'estimant lésé. Le fait d'obliger celui ci à rembourser le trop payé lui causerait des difficultés financières et il serait obligé de se servir de sa marge de crédit; l'employeur ne lui a pas offert d'autres options pour le remboursement. Le représentant de l'agent négociateur a aussi cité Lapointe c. Conseil du Trésor, 2011 CRTFP 57, dans laquelle la CRTFP a conclu que l'employeur avait commis une erreur administrative en n'accordant pas le bon salaire au fonctionnaire s'estimant lésé et qu'il n'était pas raisonnable de chercher à recouvrer le trop payé quatre ans plus tard.
Étant donné que le fonctionnaire s'estimant lésé a fait preuve de bonne foi, l'omission de l'employeur relativement à l'erreur administrative de Brookfield, ainsi que du fardeau financier et des dispositions de l'article 2.13.1 de la Directive, le représentant de l'agent négociateur demande que le grief soit accueilli.
Exposé du Ministère
Le représentant du Ministère a indiqué que bien qu'il soit dommage qu'un trop-payé ait été versé, l'employeur a néanmoins l'obligation en vertu de la loi de recouvrer la somme due. Selon l'article 8.13.2(c), 65 % du taux du souper est couvert, mais le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu par erreur l'équivalent de 100 % de ce taux.
Le représentant du Ministère a indiqué que dès que Brookfield a appris cette erreur, il en a informé le fonctionnaire s'estimant lésé et lui a demandé de rembourser les fonds. Le représentant du Ministère a indiqué qu'il est précisé à l'article 2.2.2.11 de la Directive qu'à la fin du processus de réinstallation, si un employé a reçu des fonds auxquels il n'a pas droit, il doit les rembourser dès qu'il en est avisé. Le fonctionnaire s'estimant lésé a été avisé à de multiples occasions de son obligation de rembourser les fonds, le premier avis ayant été remis le 9 mars 2012, mais il ne l'a pas encore fait.
En ce qui concerne l'argument du représentant de l'agent négociateur selon lequel un délai d'un an doit s'appliquer au processus de réinstallation, le représentant du Ministère a affirmé que la Directive ne prévoyait pas de limite semblable. Il a admis qu'il y avait une limite d'un an pour le remboursement des dépenses, mais que la Directive ne prévoyait pas de limite dans le cas du recouvrement d'un trop payé.
Le représentant du Ministère a affirmé qu'un délai de deux ans était conforme aux délais établis par la jurisprudence. Dans Markevich c. Canada (2003 CSC 9), la Cour suprême du Canada a établi une limite de six ans, comme le prévoit l'article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif.
Le représentant du Ministère a indiqué que malgré le trop payé, l'employeur jugeait que le fonctionnaire s'estimant lésé avait été traité conformément à l'esprit de la Directive. Lorsqu'il découvre l'existence d'un trop payé, l'employeur a l'obligation légale d'entamer des mesures de recouvrement. Par conséquent, le représentant du Ministère a demandé le rejet du grief.
Décision du Comité exécutif
Le Comité exécutif a étudié les renseignements qui lui ont été fournis par le Comité sur la réinstallation et a noté qu'il ne pouvait en arriver à un accord quant à l'esprit de la Directive sur la réinstallation dans l'affaire en l'espèce.
Le Comité a toutefois convenu que, sans que cela ne soit attribuable à quelque faute de la part du fonctionnaire s'estimant lésé, un paiement en trop lui avait été versé, car il aurait dû recevoir 65 % du tarif du repas du dîner dans le cadre de l'IOTDR, comme prévu au paragraphe 8.13.2c) de la Directive. Le Comité a également convenu que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas reçu le service qu'il fallait de la part du fournisseur de services de réinstallation, puisque le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas été servi dans la langue officielle de son choix et que le fournisseur de services avait commis une erreur dans le calcul des montants qu'il pouvait réclamer.
Le Comité exécutif a convenu que l'employeur était tenu par la loi de recouvrer les montants payés en trop en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques. Il a également souligné que des modalités raisonnables devraient être convenues entre le Ministère et le fonctionnaire s'estimant lésé quant à la période au cours de laquelle le recouvrement des sommes pourrait être effectué. Par conséquent, le grief est rejeté.