le 18 décembre 2013
21.4.1053
Contexte
Dans le cadre de son travail, le fonctionnaire doit se déplacer à l'extérieur de sa zone d'affectation afin de bénéficier de formation. Son partenaire est conducteur de camion sur longue distance et doit donc régulièrement quitter le domicile pendant de longues périodes pour son travail. En raison de cette situation bien particulière, le fonctionnaire a dû, à trois reprises, assumer les frais de service de garde d'enfants alors qu'il voyageait en service commandé. Il a réclamé la somme de 800 $ à ce titre.
Exposé de l'agent négociateur
Le représentant de l'agent négociateur a indiqué que le fonctionnaire s'estimant lésé avait reçu une communication écrite de la part de son gestionnaire dans laquelle celui‑ci lui a demandé, approuvé, nommé ou ordonné au fonctionnaire s'estimant lésé de participer aux séances de formation ou aux forums. Il a précisé que dans le cas d'un forum en particulier, le chef exécutif, Gestion des services, avait autorisé le remboursement des frais de repas et d'hébergement engagés par les employés en déplacement dans la zone d'affectation, alors que, selon la Directive sur les voyages, le remboursement de tels frais n'est autorisé que dans des circonstances exceptionnelles. Par contre, le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'est pas vu accorder le remboursement des dépenses engagées pour la garde des personnes à charge, au motif qu'il n'est pas le seul fournisseur de soins aux termes de la Directive. Selon le représentant, s'il est possible d'interpréter la Directive de manière à accorder le remboursement des frais de repas et d'hébergement pour un groupe d'employés, il est possible d'interpréter l'article 3.3.5 de façon tout aussi large.
Selon le représentant, comme la Directive ne définit pas l'expression « seul fournisseur de soins », il faut s'en remettre à la définition du dictionnaire. Il s'appuie sur la définition de l'adjectif [traduction] « seul » (sole) du dictionnaire Webster's pour affirmer qu'un fonctionnaire doit être célibataire ou ne doit pas être marié pour être admissible au remboursement des dépenses engagées pour la garde des personnes à charge. Ainsi, selon le représentant, une telle conclusion suppose nécessairement que la Directive est contradictoire et qu'elle crée une situation qui favorise les couples formés de fonctionnaires par rapport à ceux dont un membre ne travaille pas à la fonction publique. Il précise que l'article 3.3.5b) de la Directive prévoit le remboursement des dépenses engagées pour les personnes à charge lorsque « les deux fonctionnaires vivant sous le même toit sont les seuls fournisseurs de soins d'une personne à charge […] ». Le représentant a soutenu que deux personnes ne peuvent pas simultanément être les « seuls fournisseurs », car l'adjectif « seul » équivaut, par définition, à « un ». En outre, restreindre le remboursement des dépenses engagées pour la garde des personnes à charge aux couples formés de fonctionnaires fédéraux constitue une pratique discriminatoire.
Le représentant a de plus souligné qu'il est précisé dans les principes de la Directive qu'il faut mettre en œuvre des pratiques de voyage justes, raisonnables et modernes. Parallèlement, dans l'objet et la portée de la Directive, il est indiqué que celle‑ci vise à garantir un traitement juste aux fonctionnaires appelés à effectuer des voyages en service commandé en prévoyant le remboursement de dépenses raisonnables qui ont dû être engagées pendant un voyage en service commandé, de sorte que les fonctionnaires n'aient pas à engager des frais supplémentaires. En l'espèce, le fonctionnaire s'estimant lésé effectuait à chaque occasion un voyage en service commandé et, pour ce motif, a dû engager des dépenses pour la garde des personnes à charge. Les dépenses réclamées sont raisonnables, et la décision de l'employeur de ne pas les rembourser a entraîné un important fardeau financier pour le fonctionnaire s'estimant lésé.
Le représentant a mentionné que le Comité exécutif avait convenu, dans son communiqué intitulé Frais de garde de personnes à charge – Éclaircissement du terme « seul fournisseur de soins » (Directive sur les voyages – Garde de personnes à charge) – 2006, de reconnaître que l'expression « seul fournisseur de soins » peut s'entendre également des personnes qui sont involontairement séparées au sens où les mots « séparation involontaire » sont définis par l'Agence du revenu du Canada (impôt sur le revenu), soit : « Même si vous avez indiqué dans votre déclaration que votre état civil était marié ou conjoint de fait, vous et votre conjoint avez peut-être occupé des résidences principales distinctes pendant la totalité ou une partie de l'année pour des raisons médicales, d'éducation ou d'affaires ». Le représentant a de plus souligné qu'en raison de l'emploi du partenaire du fonctionnaire s'estimant lésé, les deux sont involontairement séparés pour des raisons d'affaires plusieurs fois par an. Le camion que conduit le partenaire du fonctionnaire s'estimant lésé devient alors la résidence principale de ce dernier. Le représentant a enfin affirmé que la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) avait déjà accueilli par le passé un grief portant sur le remboursement des dépenses engagées pour la garde d'enfants à un fonctionnaire dont le partenaire n'était pas disponible pour s'en occuper (2006 CRTFP 136).
Exposé du Ministère
Le représentant du ministère a expliqué que les deux premières séances de formation en question étaient obligatoires, mais que la troisième, soit celle qui s'est échelonnée du 24 au 26 octobre 2011, était facultative. Il a affirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé avait été avisé à trois reprises qu'il n'était pas admissible au remboursement des dépenses engagées pour la garde des personnes à charge, car il ne répondait pas aux critères établis à l'article 3.3.5 de la Directive. Plus précisément, il n'était pas considéré comme « seul fournisseur », car il partageait la responsabilité de fournisseur de soins avec son partenaire qui n'est pas un fonctionnaire fédéral en voyage commandé. Le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu ces renseignements une première fois le 26 janvier 2011, puis de nouveau les 28 janvier et 29 juillet 2011.
Le représentant a soutenu que la définition de « seul fournisseur » établie dans le communiqué intitulé Frais de garde de personnes à charge – Éclaircissement du terme « seul fournisseur de soins » (Directive sur les voyages – Garde de personnes à charge) – 2006 ne s'applique pas en l'espèce. Il a précisé que le camion du partenaire ne pouvait pas être considéré comme lieu de résidence principale distinct, car, selon la définition du bulletin d'interprétation de l'impôt sur le revenu Résidence principale daté du 17 juillet 2003, constituent une « résidence principale » un logement, un droit de tenure à bail afférent à un logement, une part du capital social d'une société coopérative d'habitation ou un fonds de terre. En conséquence, le ministère ne peut pas considérer le fonctionnaire s'estimant lésé comme « seul fournisseur ».
Le représentant a ajouté que, dans une affaire précédente (2009 CRTFP 69), la CRTFP avait établi qu'un conjoint ne devenait pas le « seul fournisseur de soins » lors des absences de courte durée de son conjoint.
Le représentant a enfin déclaré que si l'objet de la Directive avait été de reconnaître d'autres circonstances où le remboursement des dépenses engagées pour la garde des personnes à charge était autorisé, les parties négociatrices n'auraient pas défini deux critères précis pour le remboursement.
En conséquence, le représentant du ministère a demandé que le grief soit rejeté.
Décision du Comité exécutif
Le Comité exécutif examine le rapport du Comité sur les voyages et prend note de l'impasse. Le Comité exécutif examine les renseignements et les circonstances propres au grief et convient que la définition de « seul fournisseur de soins » établie dans la Directive sur les voyages du CNM ne s'applique pas au fonctionnaire.
Toutefois, le Comité exécutif tient compte du fait que le fonctionnaire s'estimant lésé devait assister à des séances de formation dans le cadre de son travail et qu'il a été séparé de son partenaire pendant de longues périodes pour des raisons indépendantes de sa volonté. Par conséquent, le Comité fait droit au grief en raison de circonstances exceptionnelles et souligne que les dépenses engagées par le fonctionnaire doivent lui être remboursées pour les trois occasions énumérées dans le grief, dans les limites prescrites au paragraphe 3.1.5 de la Directive.