le 29 septembre 2021
21.4.1129
Contexte
Le matin du 14 septembre 2018, le fonctionnaire s’estimant lésé a dû se rendre à l’extérieur de sa zone d’affectation pour travailler à une audience judiciaire. Ses heures normales de travail sont de 10 h à 18 h. Le lieu de l’audience se trouvait à 85 km et il devait y être pour 9 h. Le fonctionnaire s’estimant lésé a quitté son domicile à 7 h et s’est arrêté en cours de route pour acheter un petit-déjeuner à 8 h 15. Après l’audience, il est rentré chez lui, arrivant à 11 h 20, et il a terminé le reste de sa journée de travail à son domicile.
Le fonctionnaire a demandé l’approbation du remboursement d’une indemnité de repas pour le petit‑déjeuner, du stationnement et du taux par kilomètre avant son déplacement. L’employeur a accepté de rembourser au fonctionnaire les frais de stationnement et le taux par kilomètre; toutefois, il a refusé l’approbation préalable de l’indemnité de repas pour le petit-déjeuner, faisant valoir qu’il était raisonnable pour le fonctionnaire de prendre le petit-déjeuner avant de quitter la maison. L’employeur avait autorisé le fonctionnaire s’estimant lésé à commencer son déplacement entre 7 h 45 et 8 h; toutefois, il a choisi de partir à 7 h pour tenir compte des retards dus à la circulation et au stationnement. Le fonctionnaire est d’avis que le fait de prendre son petit-déjeuner à 6 h 30 perturbe ses habitudes alimentaires, car il a l’habitude de manger à 8 h, et il croit avoir droit à l’indemnité de repas pour le petit-déjeuner.
Aucun refus d’un repas de petit-déjeuner ne figurait à la demande de remboursement des frais de déplacement, car il était impossible pour le fonctionnaire s’estimant lésé d’ajouter le repas à sa demande de remboursement des frais de déplacement. Selon la pratique actuelle de l’employeur, un fonctionnaire qui doit voyager en service commandé doit d’abord présenter une demande d’autorisation de déplacement, qui comprend toutes les dépenses et les indemnités dont il prévoit demander un remboursement à son retour du déplacement. Une fois la demande d’autorisation présentée, l’employeur détermine les dépenses qui seront autorisées, et la demande de remboursement électronique des dépenses sera remplie au retour du déplacement. Par conséquent, les dépenses qui n’ont pas été approuvées auparavant dans le système, en l’occurrence le repas du petit-déjeuner, ne peuvent pas être réclamées par le fonctionnaire. Par conséquent, à la suite du déplacement du fonctionnaire s’estimant lésé, le 2 octobre 2019, il a envoyé un courriel à son gestionnaire pour lui expliquer l’heure de son déplacement et justifier pourquoi il avait consommé le repas du petit-déjeuner pendant son déplacement. Le gestionnaire a maintenu sa position initiale et a rejeté la demande d’indemnité de repas pour le petit-déjeuner.
Grief
Le fonctionnaire conteste le refus de l’employeur de verser l’indemnité de repas pour le petit-déjeuner alors qu’il était en déplacement à l’extérieur de sa zone d’affectation le 14 septembre 2018. Malgré plusieurs explications, l’employeur maintient sa position et refuse de verser l’indemnité, ce que le fonctionnaire estime déraisonnable et contraire à l’esprit de la Directive sur les voyages.
Présentation de l’agent négociateur
Le représentant de l’agent négociateur a indiqué que, peu importe le montant en cause dans le grief, la décision de l’employeur reflète son interprétation et l’application de la Directive sur les voyages et que la véritable question de ce grief consiste à déterminer si le Ministère respecte l’esprit de la Directive.
Le représentant a indiqué que le 14 septembre 2018, le fonctionnaire s’estimant lésé devait se présenter au palais de justice de Ville A à 9 h. À l’époque, le fonctionnaire s’estimant lésé vivait à Ville B et, selon Google Maps, la distance entre les deux endroits est d’environ 80 kilomètres, soit un trajet d’environ une heure sans circulation. Afin d’arriver à l’heure au palais de justice, le fonctionnaire s’estimant lésée a déterminé qu’il était raisonnable de quitter son domicile à 7 h pour tenir compte du temps de déplacement, de la circulation, du stationnement et de la recherche de la salle d’audience. Une fois arrivé à Ville A, le fonctionnaire s’estimant lésé s’est arrêté à un Tim Hortons situé à deux (2) kilomètres du palais de justice pour prendre son petit-déjeuner. Il s’est ensuite rendu au stationnement du palais de justice, où ses frais de stationnement ont été payés à 8 h 28. Le représentant a indiqué que le fonctionnaire s’estimant lésé est ensuite entré dans le palais de justice, arrivant à la salle d’audience à 8 h 40.
Le représentant de l’agent négociateur a indiqué que les heures de travail régulières du fonctionnaire s’estimant lésé, tel qu’il en a été convenu avec son gestionnaire, sont de 10 h à 18 h et qu’il mange normalement son petit-déjeuner à 8 h, quittant la maison vers 9 h. S’il avait pris son petit-déjeuner comme l’avait suggéré l’employeur, soit entre 6 h 30 et 7 h, le représentant a déclaré que cela aurait clairement perturbé la routine du fonctionnaire s’estimant lésé. Le représentant a affirmé qu’il était déraisonnable que le gestionnaire s’attende à ce que le fonctionnaire s’estimant lésé se voit accorder le minimum absolu de temps pour se rendre au palais de justice, alors qu’en partant à 7 h, en mangeant en cours de route et en arrivant à 8 h 40 pour une audience prévue à 9 h, le fonctionnaire s’estimant lésé a fait preuve de professionnalisme et de respect du temps du tribunal.
Le représentant a fait référence aux principes de souplesse et de respect ainsi qu’au paragraphe 1.1.1 de la Directive. Citant le paragraphe 3.2.9, le représentant a affirmé que le fonctionnaire s’estimant lésé était en déplacement au moment de son petit-déjeuner à 8 h 20 et qu’obliger le fonctionnaire à consommer son petit-déjeuner deux heures plus tôt que son habitude constituait une pression supplémentaire, mais évitable. Le représentant a fait valoir que la Directive devrait être appliquée avec souplesse, respect et ouverture, en tenant compte de la situation particulière du voyageur; en l’espèce, le quart de travail régulier du fonctionnaire s’estimant lésé, qui est de 10 h à 18 h.
Se référant à la FAQ datée du 12 mai 2008, le représentant de l’agent négociateur a soutenu en outre qu’il existe, implicitement, un devoir de respecter la routine du voyageur dans la réponse à la FAQ 9. Il a conclu que l’on peut supposer que l’employeur considérait raisonnable d’obliger le fonctionnaire s’estimant lésé à prendre son petit-déjeuner deux (2) heures plus tôt que d’habitude, alors que les événements survenus ont fait en sorte qu’il lui a été facile de prendre son petit-déjeuner à un moment plus proche de son heure de repas habituel. En rendant sa décision comme il l’a fait, le représentant a souligné que l’employeur n’a pas respecté les principes et l’esprit de la Directive, estimant qu’il était déraisonnable d’exiger que le fonctionnaire s’estimant lésé mange beaucoup plus tôt alors qu’il n’existait aucune exigence claire pour étayer la position de l’employeur.
Par conséquent, le représentant de l’agent négociateur a demandé que le grief soit accueilli.
Présentation du ministère
Le représentant de l’employeur a confirmé que le fonctionnaire s’estimant lésé était en déplacement à l’extérieur de sa zone d’affectation le 14 septembre 2018, et que son gestionnaire l’avait autorisé à quitter son domicile pour se rendre au palais de justice de Ville A, à une distance d’environ 85 kilomètres. Le représentant a indiqué que le temps de déplacement estimé était d’environ une heure et que les dépenses liées à l’utilisation de son véhicule personnel, au déjeuner et au stationnement avaient été approuvées par son gestionnaire, mais pas le petit‑déjeuner, indiquant en outre que l’heure de départ avait été convenue entre 7 h 45 et 8 h. Dans un courriel à son gestionnaire, le représentant a indiqué que le fonctionnaire s’estimant lésé avait indiqué que son heure normale de petit-déjeuner était 8 h et que, étant donné qu’il quitterait son domicile au plus quinze (15) minutes plus tôt, il était raisonnable de s’attendre à ce qu’il mange avant de partir, renvoyant le fonctionnaire à la décision 21.4.487 du CNM, dans laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé avait quitté son domicile pour suivre une formation à 7 h 45 et était rentré à 18 h 20. Le Comité a déterminé que le fonctionnaire s’estimant lésé dans cette affaire n’avait pas droit aux indemnités de repas du petit-déjeuner et du déjeuner, compte tenu des heures de départ et de retour à son domicile.
Le représentant a indiqué que le fonctionnaire s’estimant lésé ne souscrivait pas à la décision de l’employeur ni à la précédente cité et a demandé que le gestionnaire consulte la section des services financiers. Cela a été fait et le représentant a cité la position selon laquelle le Ministère ne paie pas le petit-déjeuner et/ou le dîner lorsque le déplacement est d’une durée d’une journée ou moins. Le fonctionnaire s’estimant lésé a ensuite renvoyé le gestionnaire aux FAQ dans le site Web du CNM, plus particulièrement à la FAQ 9, mais le gestionnaire était convaincu que sa décision était conforme à l’esprit de la Directive et a confirmé sa décision.
Le représentant de l’employeur a indiqué que le fonctionnaire s’estimant lésé avait alors demandé que le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) soit consulté sur la question. En octobre 2019, la réponse a été reçue, soulignant l’importance d’examiner tous les facteurs ayant une incidence sur la capacité du voyageur à prendre son petit-déjeuner et de déterminer si c’était pendant ou avant le déplacement. L’avis faisait également référence au paragraphe 3.2.9 de la Directive, à la FAQ 9 et au précédent 21.4.1065. Dans ce grief, le Comité a indiqué qu’il était raisonnable que le fonctionnaire mange chez lui étant donné l’heure de son arrivée à la maison. Le SCT a également mentionné que les heures de repas ne sont pas précisées pour diverses raisons. Le représentant a soutenu que, dans le présent grief, le fonctionnaire s’estimant lésé a été autorisé à quitter son domicile et à utiliser son véhicule personnel au lieu de faire une demi-heure supplémentaire pour se rendre au bureau, ce qui a eu pour effet d’éviter des déplacements, des retards ou des perturbations supplémentaires dans sa routine quotidienne, conformément à l’esprit de la Directive.
Le représentant a indiqué que les services financiers du Ministère ont été consultés en juin 2019 pour connaître leur position à l’égard de la question. La réponse fournie était que le bureau régional avait reçu des directives sur le sujet et que l’interprétation de la Directive était souple afin de tenir compte des différences dans les situations, et que le gestionnaire pouvait continuer à confirmer sa décision ou réexaminer la décision concernant l’indemnité de petit‑déjeuner, étant donné la réponse du Ministère et du Conseil du Trésor.
En faisant référence aux audiences tenues aux paliers précédents, le représentant de l’employeur a indiqué que le fonctionnaire s’estimant lésé avait déclaré avoir un régime alimentaire strict et qu’il mange toujours son petit-déjeuner à 8 h. Toutefois, il a indiqué qu’il avait fait preuve de souplesse en mangeant aussi tard que 8 h 30, et a donc affirmé qu’il semblait raisonnable que le fonctionnaire s’estimant lésé prenne son petit-déjeuner vers 7 h 45 ou avant de quitter son domicile ce jour-là. Le représentant a expliqué que, même si le gestionnaire était au courant de l’intention du fonctionnaire s’estimant lésé de quitter son domicile deux (2) heures plus tôt pour arriver à 8 h 30, il ne voyait pas pourquoi cela était nécessaire puisqu’il devait seulement arriver à l’heure et n’avait pas besoin de temps de préparation. Le représentant a souligné que la justification d’éviter d’éventuels ralentissements de la circulation était contredite par le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé s’était arrêté pour prendre un repas, ce qui aurait pu en soi entraîner des retards supplémentaires.
Le représentant de l’employeur a souligné que l’esprit de la Directive ne comprend pas la prise en considération de la préférence de chaque employé. Le représentant a conclu en affirmant que le fait de permettre au fonctionnaire s’estimant lésé de quitter son domicile, de manger à une heure proche de son heure habituelle et d’utiliser son véhicule personnel pour se rendre au palais de justice de Ville A a contribué à réduire les perturbations de sa routine quotidienne, ce qui est conforme à l’esprit de la Directive, et que l’employeur a ainsi satisfait aux exigences de la Directive. Par conséquent, le représentant a demandé que le grief soit rejeté.
Décision du Comité exécutif
Le Comité exécutif a examiné le rapport du Comité des voyages en service commandé, et a noté qu’il n’a pas pu parvenir à un consensus sur la question de savoir si le fonctionnaire avait été traité conformément à l’esprit de la Directive sur les voyages. Le Comité exécutif n’est pas parvenu non plus à un consensus sur cette question. Pour ces raisons, le Comité exécutif était dans une impasse.