le 1 juin 1999
21.4.620, 21.4.621, 21.4.628, 21.4.630
Les fonctionnaires demandent le remboursement des frais engagés pour les repas pris dans la zone d'affectation. Ils prétendent que le calcul fait par l'employeur du rayon de 16 kilomètres « à vol d'oiseau » est abusif et déraisonnable.
Le 14 août 1998, les griefs ci-dessus ont été renvoyés au Comité exécutif avec la recommandation suivante :
« Les fonctionnaires demandent le remboursement des frais de repas qu'ils ont engagés dans leur zone d'affectation. Ils soutiennent que le calcul que fait l'employeur du rayon de 16 kilomètres selon la méthode dite « à vol d'oiseau » est abusif et déraisonnable. »
Dans des affaires analogues, soit les affaires 21.4.358 et 21.4.554, le Comité exécutif a confirmé l'esprit de la Directive sur les voyages d'affaires relativement à la définition de la zone d'affectation.
Après avoir examiné ces griefs, le Comité exécutif a convenu de les renvoyer au Comité des voyages en service commandé pour examen compte tenu de la décision rendue récemment par la Cour d'appel fédérale concernant l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu à une question analogue.
Le représentant de l'agent négociateur commence en disant que les griefs en l'espèce visent à démontrer qu'il n'est absolument pas raisonnable de se fonder sur la notion de « rayon de 16 kilomètres » pour déterminer l'application des dispositions pertinentes de la directive lorsqu'un ou une fonctionnaire doit se déplacer dans sa zone d'affectation dans le cadre de l'exécution de ses fonctions. Les présents griefs montrent clairement que les fonctionnaires s'estimant lésés ont « fait » plus de 16 kilomètres pour se rendre à leur lieu de travail de telle sorte qu'il est déraisonnable de la part de l'employeur de refuser de leur rembourser les repas pris pendant leur déplacement. La notion de « caractère raisonnable » sera discutée plus à fond et étayée au moyen de la jurisprudence pertinente, qui corrobore clairement l'affaire dont est saisi le Comité.
Le lieu de travail des fonctionnaires PX et AX se trouve dans la région de Trois-Rivières. Les jours mentionnés dans les griefs, on leur a demandé de se rendre à Bécancour pour mener une vérification. Pour ce faire, en quittant leur lieu de travail à Trois-Rivières ils ont pris la direction ouest, ont traversé le pont puis sont revenus vers l'est pour rejoindre leur client à Bécancour. PX a fait 26 kilomètres dans un sens et AX, 29 kilomètres. Dans le cas de GX, la vérification a eu lieu à Jonquière; même en prenant le chemin le plus court, la distance était de 19 kilomètres dans un sens.
Le représentant fait ressortir les quatre points dont il est question dans ces affaires, soit :
-l'esprit de la Directive sur les voyages d'affaires;
-la question de savoir si les fonctionnaires s'estimant lésés accomplissaient des fonctions officielles pour le compte de l'employeur les jours en question;
-la question de savoir s'ils étaient considérés en voyage;
-le caractère raisonnable de l'application par l'employeur de la Directive sur les voyages d'affaires.
Le représentant cite l'article 1.1.2 de la Directive sur les voyages d'affaires : « Les personnes qui voyagent en service commandé ... bénéficient de moyens de transport et de logement qui sont confortables et de bonne qualité. Les indemnités, les taux et les modalités de paiement et de remboursement doivent permettre de faire face aux dépenses raisonnables et légitimes qui ont dû être engagées en raison d'un voyage en service commandé ». Il attire l'attention des membres du comité sur le passage qui dit que « les indemnités, les taux et les modalités de paiement et de remboursement doivent permettre de faire face aux dépenses raisonnables et légitimes qui ont dû être engagées en raison d'un voyage en service commandé ». En l'espèce, les fonctionnaires ont dû s'éloigner de plus de 16 kilomètres de leur lieu de travail.
Le représentant fait valoir que, selon la directive, un déplacement « signifie l'absence du voyageur de sa zone d'affectation pendant un voyage en service commandé et à un endroit qui, par le chemin le plus direct, se trouve à plus de 16 kilomètres du foyer », ce qui indique que lorsque le déplacement se fait à partir du domicile du fonctionnaire, la directive applique le principe du « chemin le plus direct ».
Le représentant s'interroge également sur le fait que la méthode dite « à vol d'oiseau » est utilisée pour déterminer l'application de certaines dispositions de la directive. Il précise que cette question se complique lorsque la distance réelle de déplacement est remboursée en vertu de l'article 2.11.1 de la directive, qui précise que : « les taux par kilomètre payables pour l'usage d'un véhicule particulier conduit en service commandé autorisé sont précisés aux articles 1 (taux maximum) et 2 (taux minimum) de l'appendice B et correspondent au taux qui s'applique à l'utilisation d'un véhicule particulier à la demande de l'empleur ou du fonctionnaire, comme il est indiqué ci-dessous. Les voyageurs doivent suivre les itinéraires les plus directs et ne doivent demander un remboursement qu'à l'égard des distances qu'il est nécessaire de parcourir en service commandé pendant la période en question, soit pour la distance aller-retour entre le lieu de départ autorisé et le point de destination, sous réserve du paragraphe 1.1.4, plus toute autre distance qu'il est nécessaire de parcourir en service commandé au lieu de destination. L'appendice A présente un guide représentatif faisant état des distances approximatives entre diverses villes du Canada ».
Le représentant soutient qu'en indemnisant les fonctionnaires pour le nombre de kilomètres parcourus l'employeur a reconnu qu'ils ont emprunté « le chemin le plus direct ». Il décrit les frais de repas comme des « dépenses raisonnables et légitimes qui ont dû être engagées en raison d'un voyage en service commandé ».
Dans le cas des fonctionnaires PX et AX, la carte montre que l'itinéraire emprunté est en forme de fer à cheval. La ville de Champlain, située 16 kilomètres à l'extérieur du rayon de la zone d'affectation, est accessible en ligne droite à partir du lieu de travail, ce qui correspond à une distance de 24 kilomètres. Dans ce cas-là, le fonctionnaire en service commandé aurait droit au remboursement de ses frais de repas.
Au sujet de la décision de la Cour d'appel fédérale (Giannokipoulos), le représentant maintient qu'elle s'applique directement en l'espèce du fait qu'elle concerne une contribuable qui est déménagée pour se rapprocher de son lieu de travail. En vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, un contribuable peut déduire ses frais de déménagement aux fins de l'impôt sur le revenu pourvu que la distance « entre son ancienne résidence et son nouveau lieu de travail soit supérieure d'au moins 40 kilomètres à la distance entre sa nouvelle résidence et son nouveau lieu de travail ». À l'aide de l'odomètre de sa voiture, la requérante a déterminé que sa nouvelle résidence était 44 kilomètres plus près de son lieu de travail. La déduction des frais de déménagement a été refusée parce que la Couronne a appliqué la méthode de la « ligne droite » pour conclure qu'elle n'était déménagée que 36 kilomètres plus près de son nouveau lieu de travail. La requérante a demandé la révision judiciaire de la décision.
Le représentant explique que la Cour canadienne de l'impôt a invoqué deux anciennes décisions anglaises pour conclure que la méthode dite « à vol d'oiseau » retenue pour calculer la distance était appropriée. Dans sa décision, le juge Marceau a déterminé qu'étant donné que les deux affaires en l'espèce n'avaient rien à voir avec une contribuable qui se rend à son travail la Cour de l'impôt avait commis une erreur de droit en s'appuyant sur ces deux affaires pour interpréter le terme « distance » sans tenir compte du contexte. Il a également précisé : « Il est donc logique ... de mesurer la distance en question en utilisant les voies réelles de transport. Pour respecter l'objectif de la disposition, il y a lieu d'adopter une méthode réaliste de calcul du trajet. La méthode de la ligne droite ne tient aucunement compte de la façon dont un employé se rend au travail. Il serait illogique d'appliquer cette méthode dans le cadre d'une disposition dont l'objet est de reconnaître les frais de réinstallation liés au travail ».
Le représentant maintient que les membres du comité doivent trancher en faveur des fonctionnaires s'estimant lésés étant donné qu'il est raisonnable de simplement remplacer les termes « frais de réinstallation liés au travail » par les termes « frais de déplacement liés au travail ». Dans sa décision, le juge Marceau a conclu qu'il faut prendre en considération le contexte pour déterminer la façon dont la distance doit être calculée, la notion de la route la plus courte qu'une personne devrait emprunter devant être jointe à celle de la route normale qu'emprunterait la population en général. Les fonctionnaires ont respecté ce principe dans l'exécution de leurs fonctions.
La décision de la Cour d'appel fédérale a également des conséquences directes sur l'application et l'interprétation des dispositions de la Directive sur les voyages d'affaires. Les déplacements s'effectuent normalement sur les voies publiques. Les fonctionnaires ne se déplacent pas comme des oiseaux « d'un arbre à l'autre ». Le représentant de l'agent négociateur termine sa présentation en affirmant que les distances mentionnées dans les griefs étaient raisonnables et devraient donner droit au remboursement des frais de repas engagés.
Le représentant du ministère affirme en premier lieu que la question dont le comité est saisi concerne l'interprétation de la zone d'affectation dans la Directive sur les voyages d'affaires et, plus particulièrement, la méthode employée pour calculer la distance de 16 kilomètres à partir du lieu de travail des fonctionnaires, à la lumière d'une décision de la Cour d'appel fédérale.
En l'espèce, les fonctionnaires se plaignent que l'employeur a refusé de leur rembourser les frais de repas. Bien que la distance parcourue en empruntant le chemin le plus court et le plus direct puisse avoir excédé 16 kilomètres, les fonctionnaires sont demeurés dans le rayon de 16 kilomètres. Ils n'étaient pas considérés en voyage d'affaires et, par conséquent, ils n'ont pas eu droit au remboursement de leurs frais de repas. Les distances parcourues par les fonctionnaires dans le rayon de 16 kilomètres étaient de 19 kilomètres dans le cas de GX (dans les deux griefs), de 26 kilomètres dans le cas de PX et de 29 kilomètres dans le cas de AX.
En ce qui concerne la décision de la Cour d'appel fédérale, celle-ci a conclu que la Cour canadienne de l'impôt avait commis une erreur de droit en ce qui a trait à l'interprétation du terme « distance » en vertu de l'article 62 de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63 (modifiée par L.C. 1984, ch. 45, art. 21)] (la Loi). L'article en question est ainsi libellé :
62. (1) Lorsqu'un contribuable a, à une date quelconque, commencé
(a) à exploiter une entreprise ou à être employé dans un lieu au Canada (dans le présent paragraphe appelé son « nouveau lieu de travail »), ou ...
et a, de ce fait, déménagé d'une résidence au Canada où, avant le déménagement, il résidait habituellement (dans le présent article appelée son « ancienne résidence ») pour venir occuper une autre résidence sise au Canada où, après le déménagement, il a résidé habituellement (dans le présent article appelée sa « nouvelle résidence »), de sorte que la distance entre son ancienne résidence et son nouveau lieu de travail soit supérieure d'au moins 40 kilomètres à la distance entre sa nouvelle résidence et son nouveau lieu de travail, il peut déduire, dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition dans laquelle il a déménagé de son ancienne résidence pour venir occuper sa nouvelle résidence, ou pour l'année d'imposition suivante, les sommes qu'il a payées à titre ou au titre des frais de déménagement engagés pour déménager de son ancienne résidence pour venir occuper sa nouvelle résidence, dans la mesure où
(c) les sommes n'ont pas été payées en son nom par son employeur, ...
Le représentant ajoute que, même si la notion de distance n'a pas été définie dans la loi, les précédents ont établi que la distance doit être calculée selon la méthode dite « à vol d'oiseau » ou la méthode de la « ligne droite ». La Cour d'appel fédérale a déterminé que la Cour canadienne de l'impôt avait interprété le terme (distance) sans tenir compte du contexte et avait ainsi commis une erreur de droit qui doit être corrigée. Une méthode mentionnée dans cette décision était celle de « la route normale la plus courte ».
La question en l'espèce concerne la définition de « zone d'affectation » dans la Directive sur les voyages d'affaires, qui est ainsi libellée : « zone d'affectation » (Headquarters area) – désigne la région située dans un rayon de 16 kilomètres du lieu de travail ».
De même, l'intention des parties ayant adopté la Directive sur les voyages d'affaires est une autre question sur laquelle doit se prononcer le comité. Voulaient-elles que le rayon de 16 kilomètres soit déterminé à l'aide d'une autre formule que la méthode mathématique courante définie dans le dictionnaire Oxford, soit « une ligne droite tirée du centre d'un cercle jusqu'à la circonférence »? Ou voulaient-elles que soit utilisée la méthode de la « route normale la plus courte » mentionnée dans la décision de la Cour d'appel fédérale?
Le représentant cite également la définition du terme « déplacement », soit :
Déplacement (travel status) - signifie l'absence du voyageur de sa zone d'affectation pendant un voyage en service commandé et à un endroit qui, par le chemin le plus direct, se trouve à plus de 16 kilomètres du foyer. Aux fins de la présente définition, "foyer" s'entend également d'une deuxième résidence, y compris d'une résidence familiale indépendante occupée de façon temporaire ou saisonnière par le voyageur et (ou) les personnes à sa charge immédiatement avant son affectation temporaire.
Selon le représentant, les auteurs de la directive ont clairement indiqué que la distance de 16 kilomètres devrait être calculée selon la méthode du « chemin le plus direct », indiquant ainsi clairement l'intention des parties et appliquant une méthode différente de celle proposée dans l'affaire Giannakopoulos.
Par conséquent, si l'intention des parties est claire en ce qui concerne la définition de « déplacement », pourquoi n'ont-elles pas adopté une définition analogue pour « zone d'affectation »? Pourquoi n'auraient-elles pas incorporé un libellé tel que « par le chemin le plus direct »? Cette question est très pertinente vu que, dans la définition du terme « déplacement », il est question de « zone d'affectation ».
Selon le ministère, les parties voulaient clairement que les 16 kilomètres mentionnés dans la définition de « zone d'affectation » soient déterminés selon la méthode dite « à vol d'oiseau » ou la méthode de la « ligne droite ».
Adopter une autre interprétation équivaudrait à modifier la définition. Si c'est là l'intention de l'agent négociateur, l'article 7 du Règlement du CNM intitulé « Renvoi de question ou de points au Conseil » décrit la marche à suivre à cette fin.
Le Comité exécutif accepte le rapport du Comité des voyages en service commandé qui conclut que les fonctionnaires ont été traités selon l'esprit de l'article 4.3 de la Directive sur les voyage d'affaires.
Les griefs sont rejetés.